▶︎ Le texte qui suit est issu du webinar “Colocation & Coliving : tout savoir sur ces nouveaux types d’investissements” animé par Pierre Goffin de chez CBRE et par Corentin Jacobs de chez Smovin.
La colocation et le coliving sont deux choses bien différentes, même si elles semblent parfois se mélanger.
Si on prend la perspective de l’occupant, on a l’impression de parler de la même chose. En effet, il s’agit de la possibilité de disposer d’une chambre privative avec des parties communes qui sont partagées avec d’autres personnes qui habitent dans le même logement.
Le but est de pouvoir habiter dans un endroit partagé de façon moins coûteuse grâce à un loyer moins élevé que lorsqu’on habite seul.
Du côté du propriétaire, c’est également plus ou moins la même idée. Il s’agit de louer une seule unité résidentielle, une maison ou un appartement complet, à plusieurs locataires à la fois, dans le but d’optimiser les rentrées locatives.
En effet, louer un appartement trois chambres à trois locataires rapportera plus que de louer l’appartement à une famille.
On parle aujourd’hui, d’un sous-marché du marché résidentiel qui prend de plus en plus d’importance. Le public visé n’est pas le même que pour les maisons et les appartements traditionnels.
Dans le cadre de la colocation, il n’y a généralement pas de services proposés aux occupants.
Dans un coliving différents services seront proposés tels que le nettoyage, internet, Netflix et parfois une salle de sport.
La colocation va souvent se caractériser par un plus petit nombre de chambres que dans le cas du coliving.
On peut parler d’une moyenne de 4 chambres dans le cadre de la colocation et de 8 chambres dans le cas du coliving.
En colocation, les salles de bain et WC sont généralement partagés. Alors que le coliving va plutôt avoir cette exigence d’individualité des sanitaires.
Dans la colocation, on a toujours en tête cette idée des colocataires qui se connaissent. Si l’un des colocataires quitte, il devra trouver un remplaçant validé par les autres, car les colocataires sont amis. C’est toujours d’application dans la majorité des cas.
Dans le coliving par contre, le locataire entre dans une maison de coliving dans laquelle il ne connaît pas nécessairement les autres occupants. Ces derniers tournent régulièrement.
Du côté de la colocation, le loyer est annoncé hors charge dans la majorité des cas.
Alors que le coliving, lui, se vend comme étant totalement “all in”. Les charges seront, en fait, comprises dans le loyer.
L’un des points principaux de la colocation est le bail de colocation. Il y aura un seul contrat pour tous les locataires qui seront solidaires entre eux pour le paiement.
Alors que du côté du coliving, la chambre est louée de façon individuelle. Ce qui se passe dans la chambre d’à côté n’est pas spécialement la préoccupation du locataire.
L’un des derniers points fondamentaux est les acteurs autour de la table. Dans la colocation, il n’y a que le propriétaire et les occupants.
Alors que du côté du coliving, un 3ᵉ acteur est présent : il s’agit de l’opérateur du coliving qui joue un rôle très important. C’est lui qui va gérer toute la vie du coliving : les entrées, les sorties, la gestion des loyers, la gestion des services qui sont proposés, etc.
Dans un coliving, il y a pas mal de gestion. L’opérateur va également générer et activer cette communauté propre au coliving.
Le rôle d’opérateur peut avoir une importance capitale, notamment sur la question de la taxation, question qui sera abordée plus loin.
Le marché de la colocation et du coliving est un marché encore assez jeune. Sur base de l’information dont on dispose aujourd’hui, on peut estimer que déjà 17 % des biens loués à Bruxelles, sont du coliving ou de la colocation.
Dans le coliving, on remarque que 73 % des locataires sont des travailleurs et que 45 % des locataires ont entre 25 et 35 ans, ce qui représente une certaine tranche de la population.
On peut comprendre que le coliving ne va pas ou peu s’adresser à des personnes qui ont 60 ans, ou qui en ont 15 ou 16 ans. Ce sont donc principalement les jeunes travailleurs qui seront attirés par ce type de locations.
En ce qui concerne le turnover des locataires, 52 % des locataires de coliving restent plus de 9 mois. La durée d’occupation est donc plutôt moyen terme. Les locataires tournent en moyenne tous les ans. Cela a du sens puisque le but du coliving est d’offrir cette flexibilité de pouvoir bouger régulièrement (après 3 mois ou plus).
C’est à partir de 2016 que le coliving, comme on le connaît aujourd’hui, a démarré. À l’époque, on parlait d’une centaine de chambres, aujourd’hui, on parle de près de 3000 chambres à Bruxelles. On observe donc une évolution de 400 chambres en moyenne par an, ce qui est assez énorme.
L’objectif initial du coliving était la récupération de grandes maisons qui étaient difficilement occupables par des familles et dans lesquelles on pouvait mettre 8, 9 ou 10 chambres, voire plus.
Au niveau du prix des chambres, la moyenne se situe autour des 900€/mois. Ce prix est un élément fondamental qui rend ces logements attractifs. On voit sur le graphe (voir vidéo) que le coliving est un phénomène récent.
À l’heure actuelle, les coliving sont majoritairement situés à Bruxelles, surtout du côté Est de Bruxelles. Il s’agit des communes qui sont parmi les plus chères dans lesquelles il devient donc compliqué de se loger seul. Ces quartiers sont les plus animés et l’accès est relativement facile. Nous n’avons pas de chiffres concernant les coliving dans le reste de la Belgique, mais on observe que le point de départ est Bruxelles.
Il y a des envies de s’étendre dans d’autres grandes villes, telles que Gand, Anvers, Namur, et Liège. Mais aujourd’hui, c’est encore aux prémisses, les grands acteurs du coliving n’y sont pas encore.
Certains acteurs locaux commencent cependant à s’impliquer à l’extérieur de Bruxelles.
L’attrait financier demeure un élément clé, étant donné le loyer moyen de 900 € par mois. Ce montant reste compétitif quand on sait que le salaire moyen d’un jeune travailleur est de 1950€/mois. Le coliving offre également une stabilité budgétaire, surtout en période d’inflation que nous connaissons et avec les variations des coûts de l’énergie, puisque le loyer est déterminé dès le départ et les charges y sont incluses.
Le contexte post-COVID a également influencé la popularité du coliving, soulignant l’importance des relations humaines et offrant une alternative attrayante pour ceux qui sont en quête d’une communauté tout en poursuivant une carrière internationale. Cela s’avère particulièrement avantageux pour les expatriés, offrant une solution clé en main lors de déménagements dans de nouvelles villes.
Le style de vie a fortement changé. En effet, à 23 ans, nos parents avaient déjà un enfant ou plus, une maison et une carrière bien entamée. Aujourd’hui, la période entre 25 et 35 ans est une période de transition. La mise en couple et les premiers enfants arrivent plus tard.
Aujourd’hui, les carrières professionnelles sont beaucoup plus dynamiques et un jeune changera plus souvent de boulot qu’à l’époque. Il désirera rester proche géographiquement de son travail et déménage donc en conséquence. Le coliving est donc aussi une bonne solution pour permettre cette mobilité.
Les carrières sont de plus en plus internationales et il est très facile pour les expatriés d’arriver dans un coliving car le logement est prêt à être occupé. L’individu arrive avec sa valise et est opérationnel dès le lendemain.
On parle de plus de 200 000 expatriés au cours des 20 dernières années. Et un boom s’est fait ressentir à Bruxelles puisque nous avons une communauté internationale avec l’ONU, l’OTAN, et la Commission européenne. Toutes ces institutions drainent évidemment beaucoup de personnes assez qualifiées, de façon directe ou indirecte.
En 2020, le secteur international hautement qualifié représentait 18% des emplois totaux de Bruxelles. Ces personnes ne sont pas spécialement à Bruxelles de façon permanente, mais sont de passage et recherchent donc un logement facile à intégrer.
Nous venons de voir toutes les raisons qui font augmenter la demande pour ce type de biens. Maintenant, qu’en est-il concrètement si l’on désire investir dans la colocation ou le coliving ?
Il n’y a pas de règles générales. Il est important d’avoir en tête un certain nombre de points en évolution qui permettront à l’investisseur de faire un choix en connaissance de cause.
L’immeuble peut être utilisé (sauf rénovations nécessaires) tel qu’il est. Pas ou peu de transformations sont donc nécessaires. Il ne faudra pas, contrairement au coliving, donner un aspect cocooning avec des couleurs particulières ou un design spécifique.
Le propriétaire ne doit pas spécialement meubler, ni créer de salles de bain supplémentaires.
La colocation sera toujours un peu plus intéressante financièrement que la location classique.
Pour le coliving, les choses sont différentes, puisque l’immeuble devra être transformé en conséquence. Si on parle d’une maison, par exemple, il y aura des parties communes, avec parfois une salle de travail pour le homeworking. Il y aura dans certains cas un espace détente, avec une salle de cinéma, une salle de jeux ou une salle de sport. Tout cela doit donc être pensé à l’avance.
Dans le coliving un aspect “feel home” sera également amené. Lorsque l’occupant arrive dans le coliving, il doit tout de suite se sentir bien dans le lieu. Il y a donc un côté design, des meubles et des accessoires qui doivent être prévus. Les chambres doivent également être équipées de sanitaires individuels.
Les loyers dans le coliving sont un peu plus élevés que les loyers de colocation, mais le travail de gestion est plus conséquent. Il y aura plus de turnover et surtout un aspect communauté à entretenir. L’accès à une communauté est l’un des critères qui orientent un locataire vers le coliving.
En conclusion, un investisseur possédant un immeuble aura peu de chose à faire s’ils désirent en faire une colocation. La donne est différente s’il désire en faire un coliving. Dans ce dernier cas, il pourra soit tout faire lui-même, soit faire appel à un opérateur qui s’occupera alors de son exploitation, voire des travaux nécessaires.
Dans le coliving comme dans la colocation :
- la vacance locative est faible,
- les occupants paient de façon régulière,
- la localisation est essentielle.
Comme mentionné précédemment, dans le cas de la colocation, les choses sont relativement faciles. Il existe un bail spécifique appelé bail de colocation qui rend les locataires solidaires.
Dans le coliving, il faut établir un bail individuel avec chaque locataire. Aujourd’hui, le coliving est entouré d’un vide juridique. Aucun permis d’urbanisme n’est nécessaire, mais cela pourrait évoluer. On observe une volonté politique de certaines communes de réglementer le coliving afin d’éviter certaines dérives. Ceci introduit la partie suivante sur les risques et menaces à prendre en compte avant d’investir dans la colocation ou le coliving.
Depuis 2021, certaines communes bruxelloises ont annoncé un désir de réglementer le coliving. D’une part, pour éviter une densification trop importante de certains quartiers, d’autre part, pour éviter que certains colivings ne deviennent des marchands de sommeil avec des chambres ajoutées dans les caves, par exemple.
Ces réglementations ont également pour but de limiter l’augmentation des prix. Même s’il semble difficile d’échapper à ces augmentations qui sont présentes à tous les niveaux de l’immobilier. C’est d’ailleurs un élément important qui pousse les gens à investir dans ce secteur.
Il est intéressant de noter que c’est souvent le concept de coliving qui est ciblé plus que la colocation. L’idée de vivre à plusieurs dans un immeuble n’est pas du tout remise en cause, car il semblerait que ce soit l’évolution des choses. C’est la présence d’un opérateur qui serait problématique.
Certaines communes bruxelloises ont déjà rédigé des propositions de règles accessibles sur Google.
Les règles évoquées par certaines communes ont pour but de s’assurer du confort des locataires. Elles imposeraient, entre autres, une taille de chambre de minimum 14 mètres carrés, un certain ratio entre le nombre de chambres et la taille des parties communes ou encore, la présence d’un local à vélos.
À ce stade, il ne s’agit que de recommandations qui pourraient, un jour, devenir la règle. Le délai de mise en place de ces lois reste cependant incertain puisqu’on sait qu’en Belgique les délais de décision politiques sont variables, d’autant plus, à l’approche des élections.
En début d’année, Bruxelles-ville souhaitait imposer une taxe de 1520 euros par an (indexable) et par chambre de coliving exploité par un opérateur. Ce montant élevé impactera fortement la rentabilité de l’investissement. Les exploitants ont donc réagi à cette proposition de taxe.
Notons encore une fois que cette taxe ne s’applique pas à la colocation ou au coliving sans exploitant. La définition du coliving par le code bruxellois est la suivante : “On entend par coliving la mise en location par des baux individuels dans un immeuble d’habitation d’espaces qui comprennent à la fois des espaces communs, mais aussi des chambres privatives, et les logements loués sous forme de coliving procurent à ses occupants une série de services.” C’est donc le cumul d’individualité de services et de parties communes, ainsi que l’utilisation de baux individuels qui caractériserait le coliving taxé.
Il y a cependant, toute une série d’exonérations. L’une d’entre elles est la présence d’un pacte de colocation. Ce document qui s’applique au bail de colocation nous prouve une fois de plus que la colocation n’est pas visée par cette taxe. Une autre exonération peut avoir lieu lorsqu’il n’y a pas d’opérateur.
Toutes ces règles peuvent évoluer et sont donc des éléments à prendre en compte lorsque l’on désire investir dans le coliving ou la colocation.
Ce qu’on voit en tout cas de façon claire, c’est qu’il y a toujours une demande tant dans la colocation que dans le coliving, et que sur les 5 dernières années, elle n’a fait qu’augmenter.
Dans le cadre du coliving, il semble plus intéressant financièrement en tant que propriétaire de gérer soi-même, sans opérateur. Mais cela demande évidemment plus d’énergie et une très bonne organisation.
Rappelons également que le coliving fait face à un vide juridique. Aujourd’hui, aucun permis d’urbanisme n’est requis, mais cela pourrait changer.
Il semble, en tout cas, que de manière générale posséder un bien de type coliving soit positif, puisqu’il passe très souvent par la case rénovation, remise au goût du jour et isolation. La plupart des propriétaires et exploitants sont sensibles au fait d’avoir un immeuble qui correspond aux normes actuelles et qui soit le plus efficace énergétiquement parlant.